Par un beau pelage d'hiver !

Par un beau pelage d'hiver !

Isatis, le renard arctique, est fier de son beau pelage. Il ne rate d'ailleurs pas une occasion de se mettre en valeur en prétendant qu’il a la plus belle fourrure de tout le Groenland. S’il est vrai qu’il est assez élégant, il n'en énerve pas moins ses compagnons tant il ne leur parle que de lui.

- Laisse-nous, Isatis, nous n’avons pas envie de t’entendre à nouveau te complimenter, lui dit Aputik, le vieux renard.

- Je comprends, vous êtes encore jaloux ! ricane Isatis en bombant le torse.

- Tu ferais mieux d’écouter notre chef qui est sage et respecté sur toute la côte, répond Takrialuk.

- Tais-toi, petite sotte ! Pas un d’entre vous n’arrive et n’arrivera jamais à être aussi beau que moi. D’ailleurs, c’est moi que vous devriez plutôt prendre pour chef et pas cette vieille fourrure aux poils drus. Regardez-le !

- C’en est trop, interrompt Imaapik, tu vas voir ce que je vais faire de ta fourrure. C’est la dernière fois que tu insultes le grand Aputik. Après que je me serai occupé de ta peau, tu n’auras plus de quoi te vanter !

- N’en fais rien, mon brave Imaapik, il comprendra plus vite qu’il ne le pense combien son orgueil le mènera à sa perte, dit le vieux chef en s’interposant entre les deux renards prêts à s’entre-déchirer.

- Mais… mais… je ne comprends pas ! Il t’a manqué de respect et il doit être puni pour cela, continue le jeune renard tout disposé à bondir sur Isatis.

- Je sais, mais il se punira lui-même. Il n’est nul besoin que nous entrions dans son jeu. Laissons-le ! Qu’il parte vu que nous sommes indignes de sa compagnie, conclut le sage Aputik.

- Oui, c’est une bonne idée, je pars ! Je m’en vais pour de belles et grandes aventures, là où on reconnaîtra ma valeur. Je peux même vous dire que je reviendrai couvert d’honneurs et de gloire, déclare Isatis, tel un défi qu’il se lance tant à lui-même qu’aux autres renards.

Tournant le dos à ceux qui l’ont vu grandir, Isatis, le beau renard bleu, marche fièrement vers la banquise et s’éloigne, sans se retourner une fois, jusqu’à ne plus être qu’un petit point au loin.

- Pauvre Isatis, j’espère qu’il ne lui arrivera rien de grave, se demande la gentille Takrialuk.
- Je l’espère aussi, mais je n’en suis pas sûr, lui répond Aputik le chef. S’il est vrai qu’il a reçu de grandes capacités et une belle fourrure, il oublie justement qu’il les a reçus du Très-Haut, et il se glorifie comme si cela venait de lui.

En effet, Isatis ne compte que sur lui-même. Il croit qu’il s’est fait tout seul, que c’est grâce à lui qu’il est ainsi, que tout vient de sa personne. Sa pensée est que si les autres ne sont pas aussi bien que lui, selon ses propres critères, c’est parce qu’ils sont des incapables, des moins que rien, des paresseux, des idiots et bien d’autres choses encore.

Il se dit qu’il a été sot d’attendre aussi longtemps avant de les quitter, mais que maintenant rien ne pourra l’arrêter dans ses espoirs de grandeurs. Sans plus tarder, il va commencer par tester son audace et sa rapidité en allant voler un morceau de phoque à un ours polaire qui est en train de manger sa proie.

Tous les renards bleus savent que ce seigneur de la banquise est féroce et qu’il faut attendre qu’il soit repu et parte en laissant quelques restes pour oser s’approcher. Et ce d’autant plus qu’il s’agit d’Atsanik le terrible, ce qu'ignore Isatis.

Lui, qui croit tout savoir, s’approche donc du grand mammifère et au prix d’une course effrénée, il échappe, un morceau de viande dans la gueule, aux griffes de l’ours furieux. Il a presque failli terminer sous les dents d’Atsanik ! Cependant, il n’en a rien été, et Isatis, encore plus imbu de lui-même, va, dans les jours et les mois qui suivent, prendre de plus en plus de risques, assuré qu’il est de ce qu’il pourra toujours s’en sortir par lui-même.

Il se souvient parfois de son clan et il se surprend, certains jours, à regretter sa solitude, mais il se reprend en se disant que c’est le prix à payer lorsque l’on est supérieur, tant que les autres ne le comprennent pas.

Un soir, alors qu’il contemple la grande mer, il voit au loin Takrialuk qui semble être perdue. Il s’apprête à la rejoindre quand il se dit qu’elle n’avait pas à s’égarer et qu’elle lui demanderait sûrement de l’aider à regagner le clan. Il n’est pas encore le grand animal qu’il leur a promis de devenir. S’il rejoint les autres, ils se moqueront de lui, pense-t-il.

Alors, il tourne le dos à son ancienne amie…

- Isatis ! Isatis ! crie Takrialuk qui l’a maintenant aperçu.

Il est trop tard ! Le renard orgueilleux ne fait pas marche arrière. Il s'éloigne de quelques pas avant de s’écrouler soudainement !

Un coup de feu a retenti sous le ciel et dans le cœur de Takrialuk.

La belle fourrure d’Isatis vient d'attirer l'attention d'un inuit. Ce dont il était si fier, ce pelage qu'il ne manquait jamais de montrer venait de le perdre. Son orgueil l'avait aveuglé tant sur lui que sur les autres, mais aussi sur la prudence à prendre dans ces contrées où les chasseurs sont toujours en quête de belles peaux de bêtes pour les monnayer à de riches marchands.

Plus tard, la peau d’Isatis finira sur les épaules d’une femme tout aussi orgueilleuse et ignorante de ce qui causa la mort du renard polaire dont elle portera la fourrure avec une fierté non dissimulée.

L'orgueil va devant la ruine, et l'esprit hautain devant la chute.
Proverbes 16.18

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