L'ère des poux...

L'ère des poux...

- « Papy, tu dis toujours qu'il faut de tout dans la nature, que chaque être vivant est utile... mais à quoi peuvent bien servir les poux? »
- « Pourquoi me poses-tu cette question? Aurais-tu de ces petites bestioles dans ta belle chevelure? »
- « Non! ce n'est pas moi qui me gratte la tête mais Camille. Il paraît même que je ne peux plus aller chez elle. C'est si dangereux que cela, les poux? »
- « Eh bien, le problème c'est qu'ils se multiplient rapidement et courent dans tous les coins, enfin d'un cheveu à l'autre et puis d'une tête à l'autre. »
- « Et qu'est-ce qu'ils font à part cela? »
- « Il se nourrissent du sang de ceux qu'ils visitent... »
- « C'est dégueulasse, Papy, ce sont des vampires! »

- « Non, juste des insectes qui piquent sans qu'on s'en rende compte sur le moment. Puis, ils laissent des démangeaisons à cause de leur salive. »
- « Pouah! Ils prennent notre sang et nous crachent dessus. Ce sont vraiment des sales bêtes. Je comprends mieux pourquoi l'institutrice nous a dit de faire très attention. »
- « Ils ne crachent pas, c'est quand ils piquent qu'ils laissent leur salive. »
- « Peut-être, mais c'est la même chose pour moi. Il faudrait tous les tuer. »
- « C'est que l'homme essaie de faire quand il en est envahi. »
- « Tu vois, tout n'est pas utile. C'est une erreur. Il ne devraient pas exister. Tu pourrais me dire à quoi ils servent si ce n'est pour nous embêter? »

- « Ma petite Sara-Jane, je ne peux pas te dire vraiment à quoi ils sont utiles. Il y a beaucoup de choses que je ne comprends pas, malgré mon âge, mais je vais t'expliquer ce que j'avais répondu à ta maman lorsqu'elle était venue, en pleurs, me poser la même question. Elle avait toute une colonie de ces bestioles dans ses cheveux et elle pestait contre ces intrus qui lui rendaient la vie plus compliquée. Rien n'a changé, les poux existent toujours et les petites filles sont toujours une de leurs cibles privilégiées. Ma réponse sera donc la même. Elle vaut ce qu'elle vaut, mais je pense qu'elle a son intérêt. Tu es prête? »
- « Oui, tu vas encore me raconter une de tes histoires, celles qui te sortent de ton crâne? »
- « C'est cela! Il faudra peut-être aussi te gratter la tête après l'avoir entendue. »
- « On verra bien! »

- « Imagine-toi un monde où les poux sont devenus de plus en plus nombreux et où toutes les lotions et autres shampoings ne les tuent plus. A force d'utiliser des produits pour les exterminer, ces insectes sont devenus insensibles à ce genre d'attaques. Plus rien n'a d'effet sinon de les rechercher un à un dans les cheveux et de les écraser tous jusqu'au dernier, ainsi que tous leurs oeufs. »
- « Bouh! Heureusement que ce n'est que dans ton histoire. »
- « Oui, mais qui sait si cela n'arrivera pas? »
- « Tu plaisantes, Papy? »
- « Peut-être... bref, continuons. Après avoir couru toutes les pharmacies, les gens sont arrivés à la conclusion que seul un examen quotidien et minutieux de leur chevelure peut arriver à bout de ce fléau, car, je te le répète, dans mon histoire, les poux sont extrêmement nombreux. »

- « Alors, il n'y a plus qu'à faire chaque jour comme maman m'a fait hier soir. »
- « Dis-moi, est-ce que cela t'a plu? »
- « Un peu, au début, mais après j'ai trouvé cela long en plus que j'ai parfois eu mal quand maman me démêlait les cheveux. »
- « Tu vois les limites de cette action, et encore tu n'avais pas de poux ni de lentes. Si tu avais été infestée, tu aurais dû passer beaucoup plus de temps. En plus, après cela, tu n'aurais pas été certaine que tout ait été retiré. C'est si petit un oeuf de poux, et cela file si vite un poux. »
- « Mais, tu as dit toi-même que c'était la seule solution. »

- « Oui, mais il faut en payer le prix dans un premier temps. Dans ce monde, dont je te parle, les habitants ont commencé à se peigner soigneusement chaque soir et à s'occuper des uns et des autres, parce que l'on ne peut inspecter ses cheveux soi-même. On a besoin d'au moins une personne de la famille ou non pour faire ce travail qui est long et désagréable tant pour celui qui recherche les poux que pour celui qui doit rester plus ou moins immobile. Alors... est arrivé ce qui devait arriver. Beaucoup ont commencé à baisser les bras et à abandonner la partie si bien que leurs tignasses sont devenues de véritables terrain de jeux pour ces petites bêtes qui n'en demandent pas tant. Cette partie de la population finit par accepter la défaite et ne plus s'en soucier. Ils se sont donc accommodés d'une vie avec les poux sans plus essayer de les chasser. Comme le dit un proverbe chinois, trop de poux finit par ne plus démanger. »

- « C'est terrible, tout le monde a accepté cela? »
- « Non, une partie des gens, je t'ai dit. Il y a différentes catégories. Je vais t'en parler maintenant. D'autres, ont eu l'idée de se raser complètement la tête, tout couper pour ne pas avoir à s'occuper de ce problème. Pour s'en moquer, certains les appellent les coupeurs de... »
- « De poux, papy? »
- « Non, de tête! Ce sont des radicaux, ils n'hésitent pas à faire la perte de leurs cheveux pour arriver à leurs fins. De plus, quand ils attrapent un pouilleux, comme ils les surnomment, ils lui tondent complètement la tête sans lui demander son avis. Puis, il y a ceux qui se considèrent comme les bonnes têtes, les plus propres, plus purs que les autres, parce qu'ils ont été jusque là épargnés par cette invasion. Bien vite, ils ont voulu se séparer, s'isoler. Leurs principes de vie sont très strictes. On peut dire que ce sont des coupeurs de cheveux en quatre. Plus aucun contact avec ceux qui ne sont pas comme eux, voilà leur première règle. Jamais, ils n'en dérogent sous peine d'être chassé de leur groupe où ce n'est pas les poux qui étouffent mais eux-mêmes. »
- « Je ne comprends pas. »

- « On ne peut pas vivre sans ceux qui ne sont pas les mêmes que nous, sans partager, non les poux mais ce qui fait nos différences. Bien sûr, cela peut être difficile, mais c'est plus beau. Regarde, par la fenêtre, toutes ces belles fleurs des champs. Elle ont des couleurs, des formes, des senteurs différentes et c'est ce mélange qui fait ce si joli tableau vivant que tu as sous les yeux. Si un jour, un jardinier, parce qu'il préfère une seule espèce de fleur, décide de ne plus cultiver que celle qui lui plaît. Il se réserve alors un endroit où il chasse tout ce qui n'est pas selon ce qu'il croit beau et juste. Il n'y a plus qu'une couleur, qu'une forme, qu'une odeur. Tu ne penses pas que cela finirait par être ennuyant? »
- « Si! »
- « Enfin, il y a ceux et celles qui se sont remontés les manches et ont accepté qu'il fallait affronter les poux chaque jour. Au début, cela ne fut pas facile, mais, peu à peu, ils ont trouvé des avantages à ce service qu'ils se rendent les uns aux autres. Ils passent ainsi plus de temps à se parler et à s'écouter. Avec le temps, ils sont devenus solidaires et ne manquent plus de s'aider pour d'autres choses. Bien des conflits sont évités par ce dialogue et cette connaissance qu'ils ont des autres. Alors, à quelle catégorie préfèrerais-tu d'appartenir? »
- « A la dernière! »
- « Tu as raison. Eh bien! Voilà ce que les poux m'apprennent de la vie. Je ne sais pas pourquoi ils existent et à quoi ils servent exactement, mais je me dis qu'ils nous poussent à nous occuper les uns des autres. »

- « Tu avais parlé de ce monde à maman? Elle ne m'en a jamais parlé. »
- « Oh, elle a peut-être oublié, et puis elle se dit peut-être que ce n'est qu'une drôle d'histoire qui n'a pas beaucoup d'importance, celle qu'un papa ou un grand-père peut raconter. »
- « Non, moi j'aime bien ce que tu viens de me dire. Et même, je vais t'appeler maintenant Papou, si tu veux bien? »
- « Pas de poux! Oui, mais avec des cheveux bien sûr, enfin avec ceux qui me restent. »

- « Je t'aime comme tu es, mon Papou. »

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