Le trébuchet du seigneur rouge. Chapitre1

Le trébuchet du seigneur rouge. Chapitre1

Bonjour à tous
Comme l'année dernière nous proposons un petit roman pour les jeunes tout au long de cet été.
Bonne lecture à vous et bonne semaine
Cécile


Chapitre 1

- Joachim, est-ce que je peux entrer?
- Qu'est-ce que tu veux?
- Juste parler un peu.
- Et si je n'en ai pas envie...
- S'il te plaît! C'est important.
- Bon, allez, je t'écoute.
- C'est à propos des parents. Je ne sais pas si tu as remarqué mais ils m'ont l'air... je ne sais pas comment te dire... enfin, il y a quelque chose qui cloche. Qu'est-ce t'en penses?
- Je crois que tu te fais des idées. Ils sont un peu plus fatigués et énervés qu'à l'habitude, mais d'ici quelques semaines tout reviendra comme avant, c'est-à-dire d'une banalité à s'endormir.
- C'est comme cela que tu vois les choses.
- Exactement!
- Et toi, comment tu te sens?
- Comment ça, comment je me sens?
- Oui, tout va bien pour toi?
- Bien sûr, en voilà une question.
- C'est que... je te trouve un peu bizarre ces derniers temps.
- Ah! voilà où tu veux en venir. J'aurai dû me douter que ce n'est pas les parents qui t'intéressent mais bien plutôt de fourrer ton nez dans mes affaires. Est-ce que je lis ton journal intime? Est-ce que je te pose des questions, moi?
- Non, je te trouve absent depuis quelques jours et je me suis dit que si tu avais un truc à partager, je pourrais...
- Je t'arrête tout de suite! Ce n'est pas le cas, alors la discussion est close. Tu peux partir. Ah! ces filles, toujours a fouiner là où elles n'ont rien à faire.

Julie-Anne retourne dans sa chambre bien décidée à revenir à la charge quand le moment sera propice. Mais il lui faut patienter quelques semaines avant que son frère ne vienne finalement à elle.

- July!
- Oui.
- Tu n'aurais pas un dictionnaire à me prêter?
- Si, il est là sur l'étagère. Prends-le, tu me le rapporteras quand tu n'en n'auras plus besoin.

Joachim les mains chargées du gros volume et le cœur visiblement tout aussi chargé, reste un moment immobile.

- Tu as besoin d'autre chose?
- Non, rien.
- C'est bien comme cela, alors?
- Oui... enfin, je peux te poser une question?
- Va-s-y!
- Tu promets de ne rien répéter et de ne pas te moquer?
- D'accord, qu'est-ce que tu veux me demander?
- Eh bien, à ton avis, est-ce que nos rêves peuvent être vrais?
- Comment ça, vrais?
- Oui, est-ce que c'est juste de l'imagination ou est-ce qu'il y a une possibilité que cela existe quelque part, ailleurs?
- Dans un autre monde, tu veux dire?
- En quelque sorte.
- C'est une drôle de question. Je te dirais que non, mais qui sait? Je suis désolée mais je ne vois pas en quoi je peux t'aider.
- Tu as raison, tu ne peux pas m'aider. Il faut que je me débrouille tout seul.
- Non, ce n'est pas vraiment ce que je veux dire. Tu vois, ce qui se passe en nous, les rêves, les sentiments et tout ça, c'est très personnel, mais on peut quand même en parler... enfin pas à tout le monde.
- Allez, je te le dis! Cela fait trop de jours que cela me trotte dans la tête. Et puis, je te fais confiance. Tu ne diras rien à personne, n'est-ce pas?
- Oui, je te l'ai promis.
- Voilà, il y a environ un mois, j'ai commencé à faire des rêves étranges qui semblaient si vrais que lorsque je me réveillais, j'étais sûr de les avoir vécu durant la nuit. Ce n'est pas juste une impression. Par exemple, si j'avais fait du cheval dans mon rêve, au matin, mes muscles étaient tout endoloris comme si j'avais réellement fait une longue chevauchée. Je me suis alors dis que c'était sûrement à cause du club de plongée où j'avais, la veille, un peu forcé sur l'entraînement. Seulement, depuis une semaine, je ne sais plus quoi penser. Au réveil, j'avais ce parchemin en main. J'en avais rêvé, et il était là comme tu le vois maintenant.
- Montre.
- Tiens, tu dois penser que je suis fou.
- Je n'ai pas besoin de ce bout de papier pour le savoir.
- Tu vois, je savais bien que tu ne me prendrais pas au sérieux.
- Je plaisante! Laisse-moi lire.

" Quand les trois cités et le château seront unis, alors, peut-être, une ère nouvelle apparaîtra. "

- C'est quoi ces cités et ce château?
- Tu es prête à m'écouter?
- Puisque je te le dis!
- C'est un peu long, mais je dois te raconter ce rêve depuis le début. Je l'ai fait en plusieurs nuits.

Alors que je m'enfonçai dans une grande forêt, je découvris qu'il y avait un chemin au milieu de cet enchevêtrement d'arbres. C'était un sentier qui me conduisit en haut d'un rocher d'où l'on voyait toute la région. Je vis alors une autre route qui menait à une grande ville fortifiée.

Le lendemain, j'étais apprenti chez un artisan de cette cité et j'y appris qu'elle était la capitale d'un grand seigneur, noble et généreux. Il avait construit la ville en carré et elle s’ouvrait au monde extérieur par une grande porte gardée par deux tours.

Ce lieu était la joie du roi, mais aussi de tous ses sujets qui ne pouvaient être qu’émerveillés devant l’étendue de la richesse de leur seigneur, mais aussi en raison de sa grande générosité à leur égard.

Ce monarque bienfaiteur avait publié un édit pour sa capitale, et tous ceux qui y habitaient, sans exception, étaient tenus de le respecter. Cette loi était la suivante:
  • la porte de la cité doit être impérativement fermée et verrouillée au coucher du soleil;
  • nulle personne, de quelque rang qu’elle soit, n’est autorisée à pénétrer dans la ville ou à en sortir, une fois la porte close;
  • au lever du soleil, la porte est ouverte et gardée durant le jour par les soldats affectés à cette mission.
Le seigneur, devant s'absenter pour un temps indéterminé, avait remis la clé de la ville à ses plus proches conseillers, les enjoignant de faire respecter l’ordre dans la cité, mais surtout de veiller à n’enfreindre, sous aucun prétexte, son édit royal.
Les premiers jours de son absence se déroulèrent sans incidents. Cette quiétude et cette facilité à gouverner incitèrent le conseil des anciens à déléguer ses prérogatives à de jeunes capitaines qui n’avait encore connu que les exercices de formation, et non l’expérience du combat.

Ainsi, une semaine plus tard, tandis que je me promenai et me perdis de ruelles en ruelles, alors que le soleil se préparait à passer au-delà de l’horizon, les sentinelles virent au loin une troupe de cavaliers se dirigeant vers la cité.

Allaient-ils l’atteindre à temps? Telle était la question des soldats qui étaient de garde en cette heure.

Au bout d’une vingtaine de minutes, ils comprirent qu'ils ne pourraient arriver à temps et fermèrent la porte, pendant que quelques curieux observaient l’arrivée des étrangers, du haut des remparts.

Moins de cinq minutes après la pose des barres qui verrouillaient la porte, on entendit un voix par-delà la muraille.
  • Ohé! Nous sommes des pèlerins en route vers le pays d’Ophir. Et nous aimerions trouver dans votre cité, le gîte et le couvert pour cette nuit…
  • Désolé, nobles étrangers, interrompit un voix depuis le haut d'une des deux tours, mais il nous est interdit de rouvrir la porte, par décret de notre roi.
  • Je comprends, mais ne pourriez-vous pas appeler votre roi pour lui demander l’hospitalité? Voyez nous sommes harassés par la longue route que nous avons entreprise et l'hospitalité de votre seigneur est bien connue par-delà vos frontières. Nous en avons eu écho jusqu’à notre contrée éloignée, là où notre maître Gaba-On rayonne de sa sagesse.
  • C’est que le roi n’est pas en ce moment en son lieu. Il est en voyage depuis quelques temps.
  • A qui donc demander pour avoir un peu de repos en cette fin de journée?

A ce moment, un jeune soldat, intervint à voix basse auprès de son supérieur, en lui disant:
  • Mon capitaine, nous n’avons pas à discuter. Même si cela semble dur, nous n’avons pas à modifier en quoi que ce soit l’édit de notre seigneur.
  • Je sais, soldat Némya… mais ne pourrions-nous pas demander au conseiller des casernes pour voir ce qu’il en pense?
  • Je ne crois pas qu’il faille prendre cette initiative, mon capitaine.
  • Peut-être, mais je vais quand même en référer au conseiller, et je m’en tiendrai à sa réponse.

Sur cette décision, un coursier fut envoyé jusqu’à la garnison centrale afin de demander la venue du principal conseiller à la porte de la ville. Hélas! celui-ci n’était pas disposé à recevoir qui que ce soit. Il se reposait en ses quartiers, et fit dire qu’il n’était là pour personne, pas même pour le capitaine de garde à la porte, si bien que le messager rentra seul.

Le capitaine, toujours aussi hésitant, voulut s’excuser auprès des voyageurs qui se montraient insistants, tout en restant polis. Cependant, le principal d’entre eux usa d’une telle persuasion qu’il arriva à faire fléchir l’officier.

Ainsi, malgré les avertissements répétés de son aide de camp, il donna l’ordre d’ouvrir la porte afin de laisser entrer ces pèlerins.

A peine étaient-ils passés sous l’arc, que leur chef lança un cri, tout en se dévêtant des vieux haillons qui cachaient sa cuirasse et ses armes.

La tromperie avait été complète! L’ennemi était maintenant dans la place forte, et, aguerri comme il semblait l'être à toutes les ruses guerrières, il prit rapidement le dessus sur les quelques soldats en poste.

L’alerte était donnée, mais il était déjà trop tard, car des troupes se ruaient maintenant dans la plaine en direction de la cité qui lui ouvrait son unique entrée.

L’assaut fut rude, et la résistance énergique, mais malheureusement vaine, car le jour se leva sur la défaite de la ville.

Pour avoir fait une entorse à l’édit, dupé par l’apparence des pèlerins et leur langage bien tourné, le capitaine avait trouvé la mort, et, pire encore, il avait été en partie responsable de la perte de bien des personnes et de l’esclavage des survivants.

Quelques familles échappèrent au massacre ou à l’asservissement en s’enfuyant de la cité. Parmi ces fuyards, j'étais là, tout tremblant et ne sachant que faire. Les yeux encore embués par ce que je venais de voir et de subir, je m'assis accablé de fatigue et d'incompréhensions. C'est alors qu'une main se posa sur mon épaule. Un vieil homme, pouvant à peine se tenir debout, me tendit le parchemin que tu as. Il me dit:
  • Va, mon fils. Pars vers l’ouest. A environ cinq jours de marche, tu trouveras une vieille masure au pied d’un rocher en forme de bec d’aigle. Là, habite mon vieil ami Bèdia. Tu lui feras le triste compte-rendu de ce qui nous a atteints, et il saura te dire ce qu’il y a lieu de faire.
  • Je ne peux pas, je ne connais rien à ce pays. Venez avec moi, je vous aiderai à marcher
  • Non, ma route s’achève ici, mais toi, tu as encore un long chemin à parcourir. Va, ne traîne pas, et surtout ne te laisse arrêter par personne. Fais bien attention!
  • Je ne comprends rien à ce qui m'arrive. Je ne peux pas y aller.
  • Tu le dois, tu n’as pas le choix. Va, je te l'ordonne!

- July! C'était juste ce matin, avant de me réveiller en sursaut, soulagé que cela ne soit qu'un rêve. Mais j'ai bien vite à nouveau sursauté en voyant ce parchemin dans ma main. Je deviens fou! Ce n'est pas possible! Papa a raison quand il dit que je lis de trop que je me déconnecte de la réalité avec toutes ces histoires que je lis et toutes celles que je m'invente. Mais là, je suis presque sûr que je ne l'aie pas inventée cette histoire, pas plus que cette énigme. Enfin, j'espère que je ne l'ai pas écrite avant de m'endormir, que je ne me suis pas fabriqué des preuves pour croire à mes rêves. Maintenant que je te parle, je ne sais pas ce qui est pire, m'être persuadé d'avoir vécu ces choses ou les avoir vraiment vécues? J'en suis arrivé à avoir peur de penser, de réfléchir, de m'endormir. Tu comprends ce que je veux te dire?

Suite de l'aventure la semaine prochaine...

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